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Procédure d’asile / Mesures d’urgences : Droit d’asile en danger

Procédure d’asile / Mesures d’urgences : Droit d’asile en danger

Mercredi, Février 8, 2023

Raphaël Rey (CSP Genève) · Hélène Menut (EPER) · Sarah Vincent (Elisa-asile) · Sophie Malka (Vivre Ensemble)

Le 25 octobre 2022, le Conseil fédéral a annoncé des mesures d’urgence consistant à envoyer dans les cantons les personnes en procédure « accélérée » afin de décharger les Centres fédéraux d’asile (CFA). Une mesure qui a pris de court les personnes accompagnant juridiquement les personnes concernées, puisqu’aucune information ne leur avait été fournie quant à la façon dont se déroulerait la procédure, comment s’articulerait la défense juridique, etc. Les requérant·es d’asile n’étaient pas plus au clair sur la procédure. Le 30 novembre, nouveau communiqué de presse pour annoncer la fin de ces mesures dès le 16 décembre. Demeurent de nombreuses incertitudes quant à ce qu’il va se passer au niveau de la procédure d’asile d’ici là et au-delà, mais aussi des inquiétudes liées à la dégradation conséquente des conditions de vie observées dans les centres fédéraux d’asile et dans les nouveaux lieux d’hébergement ouverts par la Confédération. Cette situation affecte de manière très préoccupante le respect des droits des mineur·es, en particulier non accompagné·es, l’accès aux soins ainsi qu’à une procédure d’asile équitable.

  • La situation des mineur·es non accompagné·es (RMNA). Une partie de ces jeunes est logée avec les adultes sans considération particulière pour leur minorité. De plus, leur délocalisation dans des centres isolés, à l’instar des autres catégories de requérant·es, ne permet pas d’assurer un contact régulier avec leur personne de confiance ni l’accès à des soins adaptés et suffisants. Le respect des droits de l’enfant en termes d’hébergement, d’encadrement et d’accès aux soins exige que les RMNA soient logé·es séparément des adultes et disposent d’un encadrement adapté. Ils et elles doivent avoir accès en tout temps à leur personne de confiance et à du personnel médical.
  • Les nombreuses entraves à l’accès aux soins. De nombreux témoignages attestent d’un manque de ressources médicales suffisantes dans les CFA, de transferts inopinés au moment de rendez-vous médicaux, de grandes difficultés à avoir accès à un·e médecin pour les requérant·es et la difficulté à obtenir les certificats médicaux pour la représentation juridique, ou encore des décisions de renvoi prises avant un avis médical complet. Ces éléments ne respectent pas les droits fondamentaux des personnes et les standards du traitement des demandes d’asile. Les expertises médicales nécessaires dans le cadre de la procédure d’asile doivent être réalisées en temps utile et prises en compte dans toute décision.
  • Les incertitudes pesant sur la procédure d’asile, ses étapes, sa durée, son organisation ne s’arrêteront pas le 16 décembre, a fortiori pour les personnes déjà adressées aux cantons de façon anticipée. La décision du SEM de les maintenir en procédure «accélérée» et sans information précise quant à la suite du processus a soulevé de nombreuses inquiétudes, pour les personnes concernées et pour celles qui les accompagnent. Un allongement des procédures, y compris «accélérées», est à craindre et la question des délais de recours se pose. Dans ce contexte, l’accès à la protection juridique et le droit d’être entendu doivent être garantis, tant pour les personnes logées dans les CFA que pour celles qui ont été attribuées de façon anticipée dans les cantons, et le délai de recours en phase accélérée maintenu à 30 jours.
  • À ces éléments s’ajoute le risque que les autorités bâclent les procédures. Son corollaire serait une possible violation du principe de non-refoulement. Au vu des récits rapportés dans les permanences par les personnes ayant transité par la Croatie, l’aspect quasi systématique des décisions de non-entrée en matière Dublin, sans égard pour la vulnérabilité et les violences subies, questionne la pratique des autorités.

L’ « urgence » de la situation actuelle et la mauvaise anticipation des autorités ne doivent en aucun cas se répercuter sur le respect des droits humains et des garanties procédurales des personnes en quête d’asile. Ni aujourd’hui, ni demain.

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